Parler d’argent... aisément

Parler d’argent... aisément

Imaginez Fabrice Lucchini au théâtre vous décrire ce qu’est « le fric, le flouze, les pépètes, les picaillons, le pognon, la thune, la fraîche ». Il reprend ainsi les mots de Pascal Bruckner* décrivant l’argent selon « de multiples synonymes qui ne désignent jamais vraiment ce qu’il est. »

C’est là que se situe toute l’équivoque ! Ce dernier nous dit de l’argent : « Quand on le condamne, on a envie de le défendre ; quand on le défend, on a envie de l’attaquer. »

Et dans l’entreprise ?

Notre expérience nous montre qu’il est souvent difficile d’y aborder la question de l’argent. Pourquoi tant d’assertivité sur de nombreux sujets tombant brutalement en chute libre dès que l’argent est au coeur du débat ?

Faire preuve de leadership et de courage managérial, c’est pourtant aussi savoir parler « cash », sans mauvais jeux de mots !

Or, dans notre culture l’argent reste un sujet tabou. Faisons un petit détour par l’histoire et vous verrez que, tout comme l’amour, le sexe, ou encore la mort, nous avons, de tout temps, coloré pleinement l’argent de nos affects.

Personne n’est indifférent face à l’argent.

Oser négocier son futur salaire ; Oser refuser la demande d’une augmentation ; Répartir des parts de société équitablement ; Déterminer des honoraires au regard de la valeur ajoutée de l’expertise ou selon la valeur de l’enjeu ; Faire croître son entreprise qualitativement et économiquement dans une juste balance entre la protection de la planète, du social, mais aussi du capital…

Sont autant d’actions et de discussions difficilesqu’il vaut mieux préparer, initier, provoquer et non éviter. Car la tentation est forte d’esquiver ces sujets qui fâchent ou qui rendent mal à l’aise.

Mais que se passe-t-il dans nos têtes dès que l’on parle argent ?

Des millénaires de représentations collectives alliées à un héritage individuel s’entrechoquent pour conditionner notre attitude et notre rapport à l’argent.

Quelques représentations collectives

En Europe, notre héritage de la Grèce Antique nourrit un sentiment d‘ambivalence face à l’argent.

Qui choisir entre Ploutos, le Dieu de la richesse puni par Zeus ; Platon qui condamne le commerce, source de richesse, car il « corrompt les âmes » ; Les stoïciens qui, à l’inverse, préfèrent être sains et fortunés que malades et démunis car « tel est le voeu de la providence » ; ou encore Aristote qui donne à la monnaie sa dignité théorique car « Elle est la commune mesure de toute chose » ?

Dans le monde, à travers l’histoire, l’influence massive des religions est continuelle :

En très bref, le catholicisme dès son fondement, condamne d’emblée le gain, prêchant la pauvreté et créant un rapport de culpabilité à l’argent.

La Réforme protestante (Luther et Calvin) déculpabilise la richesse et sanctifie le travail ; Pour Calvin, travailler c’est prier. De même obédience, les Américains lient encore de nos jours le capitalisme à la religion : si on est riche, c’est que Dieu l’a voulu.

Le Judaïsme et l’Islam voient dans la richesse un don de Dieu, dont on peut jouir sans honte, à condition de l’avoir acquis honnêtement et de pratiquer l’aumône. Le Confusianisme voit dans la richesse une alliée de la vertu et la voie directe vers le perfectionnement de soi.

Quelques représentations individuelles

« Parler d’argent c’est toujours parler de soi » !

Il s’inscrit dans nos schémas durant l’enfance, à travers notre éducation. Par exemples, à travers :

• La blessure de la pauvreté, la difficulté des fins de mois, l’insécurité infantile.

• L’ascenseur social - la projection des parents sur leurs enfants.

• Les nouveaux riches, la revanche sur la vie.

• L’abondance et l’insouciance de la richesse, être au-dessus du lot.

Alors que faire pour parler aisément d’argent dans l’entreprise ?

Prendre conscience de son propre rapport à l’argent, des représentations et réflexes qu’il suscite en nous.

Annoncer d’emblée que le sujet pourrait être difficile ou délicat à discuter.

Préparer soigneusement et le plus précisément possible ses arguments. Toute discussion demande préparation, mais celle liée à l’argent en demande encore plus !

• Oser aborder le sujet sans détours, de manière directe et diplomate, sans tourner autour du pot.

Anticiper les affects et énoncer à haute voix les inconforts, les clichés, les susceptibilités ou autres émotions/phénomènes y-liés dans l’instant.

• S’assurer que la discussion/la décision soit comprise et ne se termine pas sur une frustration, mais plutôt sur une vision partagée des deux parties.

*Pascal Bruckner, La Sagesse de l’Argent, Grasset, 2018

"QUAND JE DIS QUE MA RICHESSE EST INTÉRIEURE JE VEUX DIRE QUE MON ARGENT EST DANS UN COFFRE."

- Philippe Geluck

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